La zone des parcs et les réserves naturelles constituent de plus en plus, en Afrique subsaharienne, les points de convoitise des groupes djihadistes. Pour comprendre les raisons qui justifient l’implantation de ces groupes terroristes, le long du complexe naturel transfrontalier, qui s’étend au Niger, au Burkina Faso et au Bénin, « MondAfrique » média a tendu son micro à Alexis Kabore, docteur en études du développement et enseignant-chercheur à l’université Joseph KI-ZERBO à Ouagadougou.
Pour cet universitaire, le contrôle du complexe naturel transfrontalier qui s’étend au Niger, au Burkina Faso et au Bénin, par des groupes djihadistes, serait favorisé par le sentiment d’injustice des populations spoliées de l’accès aux ressources.
Selon lui, l’implantation de ces groupes djihadistes date véritablement de 2018 dans le complexe du WAP (complexe naturel transfrontalier qui regroupe les parcs du W., d’Arly et de la Pendjari, respectivement au Niger, Burkina Faso et Bénin).
Pour le professeur, ces ces aires protégées sont au cœur de la dynamique parce que ce sont les aires protégées qui abritent ces populations, qui les nourrissent. « Il y a du gibier, de l’eau, des fruits. De Pama à la fin du W., on peut traverser au moins 300 km de brousse. Au niveau de la région est du Burkina Faso, sur 13 aires protégées, 4 seulement ne sont pas encore investies. Le parc W a été l’une des dernières aires protégées à être investie, en mars, après le parc d’Arly et les réserves de Pama, qui étaient déjà sous leur contrôle », a indiqué le professeur Alexis Kaboré.
Mode opératoire des djihadistes
A en croire le professeur Alexis Kaboré, les djihadistes s’installent à l’intérieur des parcs, détruisent les infrastructures: campements de chasse et de tourisme, kidnappent les pisteurs, tuent les forestiers et deviennent les maîtres du lieu. « Puis, ils accueillent les pasteurs avec leur bétail, les braconniers, les orpailleurs. C’est extrêmement grave parce qu’on ne sait pas dans quel état on va retrouver les ressources de ces aires protégées, si on arrive un jour à déloger ces gens.« , a fait savoir l’universitaire.
Pour le professeur, dans les villages tout autour, on croise des tricycles qui transportent de la viande de gibier à vendre. « S’ils acceptent que des agriculteurs s’installent, un de ces jours, ce sera la fin », prévient l’homme de science.
Les populations autochtones ont perçu négativement les aires protégées, du fait de leur marginalisation, sur leurs propres terres, les terres de leurs ancêtres, dont elles ont estimé qu’on les avait expropriées, niant leurs droits d’usage autant que leurs droits de contrôle.
La frustration ambiante des populations constitue un terreau favorable. Ces terres remplissaient pour elles trois fonctions : elles étaient sous leur contrôle, généraient des ressources et abritaient des sites sacrificiels. Les chefs ont perdu leur autorité sur les terres, ainsi que l’accès aux sites sacrificiels, qui faisaient partie de leur système religieux. Pour le professeur, on les a « exclues des ressources et ce qu’elles ont reçu, ce sont des exactions, des emprisonnements, quand elles violaient les interdictions. Tandis que les privés généraient des millions, la population ne recevait que la poussière soulevée par les jeeps de passage. En interdisant l’accès, les forestiers ont installé la contrepartie de la corruption pour permettre cet accès et les pénalités dès qu’une faute est commise« , fait remarquer Alexis Kaboré.
Mieux, poursuit-il, l’Etat a cédé ces aires protégées au privé, à travers des concessions privées, qui ont accentué les frustrations des populations. Une exploitation officielle a été autorisée, à travers la chasse et le tourisme, surtout la chasse. « Pour la saison de chasse 2017-2018, on a estimé à 1,7 milliard de francs CFA les seuls recettes de chasse, sans parler des contraventions. Les populations ont touché 3,5% seulement de cette somme. Le reste a été partagé entre les privés (80%) et l’Etat« , a indiqué l’universitaire.
Précisons que le professeur Kaboré est l’auteur d’une thèse soutenue en 2010 à l’Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement, à Genève, intitulée « Brousse des uns, aire protégée des autres, Histoire du peuplement, perceptions de la nature et politique des aires protégées dans le Gourma burkinabé : l’exemple de la Réserve partielle de faune de Pama ».
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