Les élections législatives semblent avoir créé plus de confusion et de problèmes que de solutions et d’apaisement. Sitôt les résultats transmis à la Cour Constitutionnelle pour validation, les recours sont tombés de tous les côtés. Chacun en fonction de sa position et de ses intérêts du moment est devenu accusateur et accusé de corruption, bourrages d’urnes, tripatouillages, achats de conscience, faux et usage de faux. Quelle tragédie ! O tempora ! O mores !
LA MORALE RÉPUBLICAINE EN SOUFFRANCE
Comment des élus dont la mission est de voter la loi, autoriser l’impôt et contrôler l’action gouvernementale peuvent-ils survivre à des accusations de cette ampleur ? Dans le même esprit, comment l’opposition politique et la majorité peuvent-elles faire liste commune aux législatives et nous convaincre que nous ne sommes pas dans une logique de parti unique ? S’il y avait une morale politique basée sur le respect du citoyen et des valeurs qui fondent la république, n’aurait-on pas dû invalider ces élections pour échapper au ridicule ? À supposer que les accusations soient fondées ou même partiellement avérées, quels résultats attendre des membres de cette Assemblée nationale en matière de probité et de sagesse pour se conduire en bons pères ou en bonnes mères de famille ? La démocratie malienne se trouve une fois de plus gravement dévalorisée et tirée vers le bas par la faute des acteurs du processus électoral qui ne sont pas à la hauteur de leur mission. Le système mis en place en 1992 a montré ses limites avec la personnalisation et le caractère nettement partisan du pouvoir d’État qui se confondent avec un homme et son cercle d’amis et de parents. Les cabinets ministériels se sont transformés en annexes des partis politiques au sein desquelles les vrais technocrates ont du mal à se faire entendre. Aujourd’hui, la menace ne vient pas des seuls caciques, mais aussi des générations qu’ils ont couvées et produites avec pour résultat de nombreux jeunes diplômés sans formation intellectuelle, civique et morale, adeptes du suivisme et prêts à s’aliéner pour de l’argent facile ou une promotion politique. « De la racine à la feuille, la sève monte et ne s’arrête pas », avait averti Seydou Badian. IBK saura-t-il en tirer les leçons pour donner une seconde chance à sa fin de mandat agitée ? L’intolérance et l’incivisme ont atteint un niveau insoupçonné, car toutes les couches sociales sont devenues vindicatives face à la mollesse de l’État. Après avoir touché le fond, il urge d’adopter une solution de rupture d’avec les vieilles habitudes. Les hommes politiques, les institutions et l’administration doivent être impérativement mis au service du bien-être citoyen et de la cité. Le défi est grand, mais c’est la seule alternative qui reste pour la survie.
LE FEUILLETON DU CHOIX DU PRÉSIDENT DU PARLEMENT
La liste définitive des députés proclamée par la Cour Constitutionnelle, la bataille pour la présidence de l’Assemblée nationale a été ouverte. Le RPM, même en régression, dispose du plus grand nombre de députés, mais il ne peut faire élire à lui seul son candidat. Au terme d’élections primaires organisées en son sein, un candidat est déclaré élu et la cause semblait entendue jusqu’à ce que des vents contraires se mettent à souffler. Sont-ce les alliés du groupe EPM qui ont changé la donne ou est-ce IBK qui a imposé son choix ? Le premier constat, c’est que le RPM n’est pas un parti fort dont la décision pèse sur le cours des évènements. Le second, c’est qu’on a créé des frustrations dont on aurait pu faire l’économie avec un peu de vigilance et de tact. En effet, le choix d’IBK devait être celui du RPM dès le début pour préserver l’image et l’honneur du parti. Faute de l’avoir réussi, le RPM et Tréta sortent affaiblis de cette tragi-comédie. Au contraire de l’ADEMA et du Mouvement Citoyen, le RPM est le seul parti au pouvoir qui n’est pas arrivé à attirer l’essentiel des poids lourds de la république. Resté sectaire, ses cadres ont plutôt quitté en masse pour d’autres formations politiques ou se sont mis en réserve, ce qui est un véritable paradoxe dans le marigot politique malien. En outre, IBK qui était crédité de tous les préjugés favorables en 2013 pour sortir le Mali de la crise, s’est retrouvé confiné dans une bulle avec des réussites mitigées qui ne parviennent pas à cacher l’iceberg des échecs. L’Accord d’Alger a été signé en 2015, mais la sécurité et la libre circulation ne sont pas au rendez-vous. La corruption a pris l’ascenseur à un point tel que la justice elle-même est en difficulté et se trouve paralysée. La connivence des élites politiques a porté un coup fatal à la démocratie malienne qui tient du vaudeville avec des ententes immorales bafouant le droit des électeurs et des citoyens. Ces derniers qui ne croient plus aux institutions et à ceux qui les incarnent se mettent en situation de rébellion à la moindre occasion. Les compromissions entre les cadres de l’ADEMA et ceux des autres partis dérivés, URD et RPM notamment, ont fini par fragiliser le socle de la démocratie au Mali.
Tout ce qui fait la force d’une démocratie manque et de façon encore plus cruelle qu’en 1991 : une économie forte et compétitive, un système sécuritaire performant, des citoyens solidaires et bien formés. Que peut-on bâtir sans vertu et sans amour ? Comment aimer lorsque l’on est trahi et floué par les personnes que l’on a investies de sa confiance ? Où trouver l’inspiration et le réconfort lorsque les recours légaux se transforment en systèmes d’oppression ? Hélas, au Mali les cœurs ne vibrent plus de confiance ni d’espérance.
Mahamadou Camara
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